Commerce traditionnel en Afrique : entretien avec un boutiquier sénégalais

Le commerce traditionnel en Afrique est au cœur de l’activité économique et sociale des communautés. Dans les rues animées des quartiers africains, une figure emblématique se distingue par son rôle essentiel dans la vie des habitants : le boutiquier, dénomination du gérant de point de vente traditionnel en Afrique de l’Ouest.

Véritables acteurs de proximité, ces commerçants locaux fournissent une large gamme de produits essentiels, allant des denrées alimentaires aux produits d’hygiène de première nécessité en passant par les boissons non alcoolisées. Au milieu des étagères bien garnies de leurs boutiques généralement de petite taille, se cache un quotidien rythmé par la passion et un dévouement sans faille pour répondre aux besoins de leur communauté.

Profil d’un acteur du commerce traditionnel en Afrique

Nous avons eu la chance d’échanger avec Barry, le gérant d’un commerce informel à Dakar, au Sénégal.  A travers cet entretien, nous vous embarquons au cœur de l’univers des boutiquiers sénégalais, à la découverte de leur quotidien, de leurs motivations et des défis qu’ils relèvent chaque jour.

 

Commerce traditionnel en Afrique
Le commerce traditionnel en Afrique : Le magasin de Barry à Dakar

Profil du boutiquier


Nom: Barry DIAKARE

Âge: 30 ans 

Nationalité: Guinéen (comme la majorité des boutiquiers au Sénégal, issus de l’immigration massive de Guinée et d’une tradition familiale dans les mêtiers du commerce)

Expérience: Gérant de point de vente depuis plus de 5 ans

Profil du magasin


Localisation: Quartier de Colobane, Dakar, Sénégal

Type de magasin: kiosque/épicerie, magasin d’approvisionnement 

Produits vendus: boissons non alcoolisées, produits alimentaires (snacks, etc.), produits d’hygiène (détergents, savons, etc.).

Équipement: réfrigérateur, smartphone (notamment pour recevoir des paiements via mobile money)

Voici un aperçu de la vie quotidienne de Barry dans son magasin de Dakar à travers une conversation que nous avons eue avec lui.

Question : Barry, comment en êtes-vous venu à gérer votre magasin ?

Réponse : Il s’agit d’une entreprise familiale.  Il y a quelques années, c’est mon oncle qui gérait le magasin. Il m’a pris avec lui et m’a appris le métier, et aujourd’hui c’est moi qui dirige l’entreprise. Cela fait maintenant plus de 5 ans.

Q : En tant que gérant de magasin au Sénégal, comment gérez-vous votre temps ? Pouvez-vous nous décrire une journée type ?

R : Le magasin est ouvert de 7 heures à 1 heure du matin, avec une certaine flexibilité en dehors des heures habituelles, en fonction des besoins des clients. En termes de gestion du temps, le pic d’activité se situe entre 7h et 12h. Pour y remédier, comme dans la plupart des magasins, nous travaillons en binôme. En effet, mon oncle me soutient dans le service parce que nous sommes trop petits pour avoir un employé. Ce n’est qu’à partir de l’après-midi que nous avons un peu de temps pour respirer, nous réorganiser, passer de nouvelles commandes, ranger la marchandise, etc.

Gestion de l’offre de produits

Q : Comment sélectionnez-vous les produits que vous vendez et comment établissez-vous vos prix ?

R : Nous sélectionnons les produits en fonction de plusieurs critères : la rotation des produits, la disponibilité des fournisseurs et les préférences des clients. En ce qui concerne les prix, nous les fixons au même niveau que les autres détaillants. Dans un secteur comme le nôtre, où la concurrence est très forte, nous devons pratiquer les mêmes prix que les autres pour ne pas faire fuir les clients. De plus, la plupart des produits que nous vendons sont soumis à des réglementations de prix émises par le ministère du commerce.

Q : Quels modes de paiement acceptez-vous de la part de vos clients ?

R : La grande majorité des paiements se font en espèces, mais nous acceptons également les paiements par mobile money à partir de 500 CFA sur l’application Wave. Il m’arrive d’accorder une certaine souplesse de paiement à mes clients les plus fidèles, mais c’est assez rare. Nous sommes petits et n’avons pas les liquidités nécessaires.

Q : Comment faites-vous pour établir une bonne relation client en tant que boutiquier ?

R : En tant que commerçants, nous devons jouer le rôle d’ami, de collègue et de frère pour nos clients, afin de maintenir notre relation. Mais avant tout, nous devons être à l’écoute de leurs besoins et y répondre le mieux possible. C’est très important pour le développement de nos activités.

Q : Pourriez-vous expliquer comment vous choisissez vos fournisseurs et décrire les relations que vous entretenez avec eux ?

R : Avec mes fournisseurs, j’ai établi une relation de confiance et une étroite collaboration. Je travaille principalement avec deux fournisseurs, des “grossistes”, pour tous les produits que je propose dans ma boutique. Je les ai sélectionnés sur la base de leurs prix. Il n’y a pas de grande différence entre ces deux fournisseurs, car ils vendent les mêmes produits. Je choisis donc en fonction des petites différences de prix. Parfois, j’alterne simplement pour éviter d’être en rupture de stock sur certains produits lorsque l’un d’entre eux n’est pas en mesure de livrer. Ils ont généralement des stocks importants. Néanmoins, par exemple au cours de la récente période festive (Aïd El Kébir), il y a eu des pénuries sur des produits tels que la boisson énergisante 3X.

Commerce traditionnel en Afrique
Commerce traditionnel en Afrique : Barry dans son magasin

Q : Quels sont d’après vous les principaux défis pour un commerce traditionnel en Afrique comme le vôtre ? 

R : La principale difficulté est la gestion des stocks, et et surtout la rupture de stocks pour certains produits.

Q : Comment y palliez-vous et vous organisez-vous pour ne manquer d’aucun produits ?

R : Pour remédier à ce problème, j’énumère toujours les éléments manquants. De cette façon a liste des prochaines commandes de marchandise est toujours à jour.

Q : Comment êtes-vous organisé pour passer vos commandes et payer vos fournisseurs ?

R : Nous vérifions nos stocks quotidiennement et passons nos commandes en moyenne tous les deux jours par téléphone. Nos fournisseurs livrent le jour même ou le lendemain, sauf s’il n’y a pas de livreur disponible. Si le délai est trop long, je me rends directement à leur dépôt. Il n’est qu’à 300 mètres du magasin. Les grandes boutiques commandent généralement une fois par semaine.

Nous payons nos fournisseurs en espèces, car c’est la principale méthode qu’ils acceptent. Toutefois, dans certains cas, il est possible de ne payer le fournisseur qu’une fois le produit vendu. Les produits invendus peuvent même être retournés gratuitement et échangés contre des produits frais. Ces produits invendus sont ensuite revendus par le fournisseur via d’autres canaux. C’est le cas notamment pour le pain et les gâteaux.

Q : Vous avez évoqué une sorte d’entente avec les autres points de vente de votre quartier notamment au niveau des prix. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

R : Oui, notre magasin fait partie d’un petit réseau de détaillants locaux, comme une coopérative. Nous nous approvisionnons auprès des mêmes fournisseurs afin d’être plus forts ensemble et de nous soutenir mutuellement. 

Avec les autres boutiquiers, nous nous réunissons parfois pour passer des commandes groupées. Cela nous permet de réduire considérablement les coûts de livraison. De plus, nous bénéficions parfois de réductions. Prenons l’exemple du yaourt. Ce produit se vend très bien dans tous les magasins. Notre fournisseur nous accorde de petites remises sur nos commandes au fur et à mesure que nous prenons des quantités de plus en plus importantes. Nous avons désigné une personne qualifiée au sein du groupe pour organiser les commandes…

Au plus près des tendances du commerce de détail en Afrique

Chez Sagaci Research, nous avons tissé des relations privilégiées avec une myriade d’acteurs du marché du commerce traditionnel sur le continent africain, comme Barry à Dakar. Cela nous permet ainsi une compréhension fine du modèle économique des magasins de proximité en Afrique. Ceci favorise ainsi une collaboration active de la part des boutiquiers. Nous pouvons de ce fait mener à bien nos campagnes régulières d’audits et de recensements de points de vente à travers le continent et assurer efficacement un suivi de la performance des produits dans le commerce traditionnel.

Sagaci Research est en effet spécialisé dans le “Retail audit” en Afrique, y compris dans les canaux de distribution traditionnels. Grâce à notre connaissance de l’environnement des commerces informels, nous aidons les marques à suivre la performance de leurs marques sur les marchés africains (via des relevés de produits, relevés de prix, etc).

Contactez-nous à l’adresse sagatracker@sagaciresearch.com pour en savoir plus sur nos audits du commerce de détail et sur l’outil SagaTracker, ou cliquez ci-dessous.